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Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844)

Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844)
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Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844)
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Tükendi
Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844)
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Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844)
Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844)

[Jean Charles Louis] Charles Reynaud, d’Athènes a Baalbek (1844), Furne et ce, Paris, 1846 (1. baskı). 290, [2] s, yazarından ithaf imzalı, 12 x 19 cm, döneminin yan sayfaları ebrulu, sırtı ve köşeleri deri kapakları bez cildinde.

2. baskı 1853 yılında basılmıştır.

Yazarın Atina, İzmir, İstanbul, Bursa ve Uludağ, Sporadlar, Beyrut, Filistin Kudüs, Şam ve Baalbek seyahatnamesi. Reynaud’nun Au Sultan Abdul-Medjid (1852) ve Baron Taylor ile birlikte yazdığı La Syrie, l’Égypte, la Palestine et la Judée, Considérées sous leur aspect historique, archéologique, descriptif et pittoresque (Paris, 1839) başlıklı iki kitabı daha vardır.

Weber, Blackmer ve Atabey’de yok.

 

Kargo alıcıya ait 

TABLE

 

Athènes

Smyrne (s 45-59)

Constantinople (s 61-97)

Broussa et le Mont Olympe (s 99-125)

Les Sporades

Beyrouth et le Liban

Côtes de la Phénicie et de la Palestine

Jèrusalem et la Mer Morte

Damas

Baalbek

 

Yazar ilgili bölümde İzmir’in 1844 yılına ait çok hoş bir özetini verir (s 49 vd):

 

Quoique Smyrne ait toutes les apparences extérieures d'une ville turque, c'est-à-dire, des minarets qui la dominent, de grands cimetières plantés de cyprès, des rues étroites et malpropres, en réalité, elle n'appartient à la Turquie, ni par les meurs, ni par les habitants ; c'est une ville cosmopolite, une place de marché. — Un officier de marine me disait un jour en parlant de ses voyages : « J'ai visité les grands ports des cinq parties du monde, et je ne connais pas un seul peuple. » En effet, les habitants des ports subissent à leur insu l'influence de tous les étrangers qui y séjournent; ils se font une vie à part qui est un résumé des habitudes de tous les peuples avec qui ils sont en relation. La langue se corrompt, et les mœurs nationales s'altèrent au contact de tant de nations diverses. Un port est une auberge sur la grande route des mers, et toutes les auberges se ressemblent plus ou moins. Il en est ainsi de Smyrne. Ce grand comptoir de l'Orient est envahi par toutes les nations qui ont une issue sur la méditerranée; les vaisseaux de la France et de l'Italie, de l’Angleterre et de l'Autriche, de la Grèce, de l'Espagne et de la Russie se donnent rendez-vous devant le quai de la Marine; les comptoirs de tous les pays se rencontrent dans la rue Franque, les chameaux chargés des richesses de la Perse se croisent sur le pont des Caravanes, avec les voyageurs européens ; à côté d'un hôtel franc, il y a un khan; à côté de la mosquée, une église; auprès du temple, une synagogue; la fumée du cigare européen se mêle aux parfums qui brûlent sur le narghilé; c'est un grand caravansérail où toutes les nations se mêlent et se confondent, où toutes les langues se parlent, où tous les costumes se coudoient.

 

Seule, la population turque, se trouvant mal à l'aise au milieu de ce mouvement qui contrarie ses habitudes de calme et sa religion jalouse, se tient à l'écart, et, reculant devant l'invasion étrangère, reflue à l'extrémité de la ville opposée au port, et se retire sur le mont Pagus, comme dans une citadelle.

 

Outre la multiplicité des intérêts et des peuples étrangers qui se croisent à Smyrne, il y a aussi, parmi les nations attachées au sol, une grande diversité de races, d'habitudes et de religion. En dehors de cette ville turque close et silencieuse, il y a les Arméniens, les Grecs et les Juifs, qui s'agitent sur le port, guettant les occasions de fortune, et ce sont eux qui attendent, conduisent et volent la masse flottante des voyageurs. Smyrne est pour les artistes une ville de repos et de plaisirs; elle n'a pas de monuments, et ce qu'on a de mieux à y faire, c'est de se laisser aller à la douce vie que le climat conseille, et d'y jouir paisiblement de la beauté du ciel et de la beauté des femmes. On peut y passer son temps dans le plus agréable far niente. La rue des Roses, dont le nom est si célèbre et si gracieux, n'a peut-être pas d'analogue dans le monde entier. Les boulevards de Paris, les jardins d'Hyde-Park, la chiaja de Naples ont leur genre de beauté particulier; la rue des Roses a aussi sa physionomie propre. Il n'est sans doute pas de musée qui puisse se vanter de posséder une galerie plus richement ornée que cette rue Orientale, où les plus belles femmes de l'Asie resplendissent sur leurs balcons dans leurs plus brillants atours. Smyrne l'amoureuse ne dément pas les promesses de son nom. Depuis la célèbre Phryné, les molles loniennes n'ont pas dégénéré de la beauté de leurs aïeules. Les Smyrniotes savent poser sur leur oreille le petit tarpouch brodé d'or avec une crânerie et une élégance aussi inimitable que la désinvolture du schâll parisien. Leurs cheveux abondants et fins s'en échappent en longues tresses, qui caressent leurs épaules veloutées; des grappes de fleurs de marronniers, des œillets, des roses sont disposés sur leur tête de la façon la plus coquette; et leur petite veste brodée, qu'elles garnissent de fourrures en hiver, ne le cède pas en grâce originale à la mantille espagnole et maltaise.

 

[…]

 

Les yeux des Smyrniotes sont bleuis tout autour avec une préparation particulière, ce qui les fait paraître plus grands et plus brillants ; leurs sourcils sont peints; elles regardent les étrangers d'une façon si hardie, que plus d'un nouvel arrivé, trompé par ce regard provoquant, a été durement accueilli sur l’escalier de ces palais de fées.

 

On a l'habitude à Smyrne de se promener sur des ânes. L'orgueil du voyageur européen se révolte d'abord de l'humilité de ces montures; mais on finit par en prendre son parti, et l'on passe dans la rue des Roses avec autant d'aplomb que les gentlemen-riders dans les rues de Londres, sur les plus nobles chevaux de l'Angleterre.

 

Lorsque la chaleur de midi invite au repos, on peut se réfugier dans des cafés aériens suspendus sur la mer. Ce sont des kiosks grossièrement faits, supportés par des pieux plantés dans l'eau. Là on jouit à la fois de la fraîcheur du vent de mer, et de la vue du golfe traversé en tous sens par des voiles blanches. On voit les vagues bouillonner sous ses pieds à travers les planches mal jointes, et leur bruit monotone porte à la rêverie. Des Grecs intelligents et alertes préparent des narghilés, et l'on y consomme une grande quantité de tasses de café.

 

Mais le plus charmant, le plus poétique des cafés de Smyrne est situé sur le Mélès, auprès du pont des Caravanes. Il est suspendu parmi des branches d'arbres en face des magnifiques bois de cyprès du champ des morts. J'y suis venu bien souvent, fuyant les ardeurs du jour, contempler cet humble ruisseau qui a donné un surnom à Homère, et voir passer les longues files de chameaux, sur ce pont des Caravanes, dont le nom seul autrefois éveillait dans mon esprit de folles idées, de voyage. Il est modeste et fait d'une seule arche, mais il a un beau nom, et sert à traverser le Mélès.

 

C'est un joli petit ruisseau, qui côtoie les cimetières turcs, et qui perd ses gracieux méandres parmi les mûriers, les cyprès et les térébinthes.

 

[…]

 

Auprès des cafés en plein air, la civilisation a établi des casinos, ou cercles dans lesquels se réunit la société franque, et où l'on reçoit les journaux et les revues d'Europe. On y donne quelquefois des bals magnifiques, et si l'on ouvre les fenêtres, les femmes peuvent entendre se mêler au chant des instruments le murmure de cette mer ionienne, sur laquelle naquit autrefois la blonde déesse, Vénus à la riche ceinture.

 

La vie matérielle est facile dans cet heureux pays. La baie y fournit des poissons excellents, et la terre y produit des fruits savoureux; les melons de Cassaba, les ligues et les raisins de Smyrne ont une réputation européenne; le gibier s'y vend à vil prix; le café d'Arabie, les vins de l'Archipel et de Chypre abondent dans le port, et la rue Franque a aussi son restaurateur fameux.

 

La rue Franque traverse la ville en suivant une ligne parallèle au port. Elle s'y rattache par de nombreux passages qui se ressemblent tous et parmi lesquels il est difficile de se reconnaître. Elle conduit directement aux bazars, qui sont vastes et bien fournis; on y remarque surtout de riches tapis que produit l'industrie locale ou que les caravanes apportent de la Perse.

 

[…]

 

Ainsi cheminant, on arrive à quelque blanc village. Bournabat, qui est le but le plus ordinaire de ces courses, est composé des maisons de campagne des riches Francs.

 

C'est une petite ville d'Europe, formée d'une série de petits clos galamment arrangés. Dans les soirées du printemps et de l'été, elle se peuple d'une foule de gens qui viennent chercher un délassement de quelques heures au mouvement et à la fatigue des affaires. Les maisons sont élégantes et confortables; les jardins sont égayés par de belles fleurs, et un ruisseau qui traverse le village alimente les bassins.

 

Les villages de Boudja, de Kadgilar, de Koukoudjia, sont aussi disséminés aux environs de Smyrne. Mais nul ne vaut, à mon sens, le petit village de Bounarbachi, Il est assis au pied d'une colline; les maisons qui le composent sont éparses au milieu des arbres, et il est coupé par un bois de platanes immenses. Tout un monde vit dans ces palais de feuillages ; nous les avons vus peuplés de nids de cigognes, et c'était un spectacle charmant de voir ces grands oiseaux se promener avec sécurité sur les branches massives. Au milieu de ces platanes naissent quelques sources qui se divisent en petits ruisseaux au milieu des grandes herbes.

 

İstanbul, çarşı-pazar ve gezilecek yerler  (s 72 vd):

Balik-Bazar est le marché aux poissons. Le voisinage du port en a fait la partie la plus animée, mais la plus humide et la plus malpropre de la ville.[…]

Là commence la série des bazars. C'est d'abord le bazar égyptien avec ses drogues, ses plantes aromatiques et ses pâtes sèches ; puis le bazar des pipes et des tuyaux, où brillent dans de petites cages de verre les bouts d'ambre de toutes formes; plus loin, ce sont les parfums, les bourses et les colliers en pastilles du sérail, les chapelets en bois d'aloès, les flacons d'eau de rose et de santal. Ici sont étalées dans des boutiques étincelantes les babouches mignonnes en velours rouge ou bleu, brodées d'or et surmontées d’une houppe de soie blanche; là, les bottines et les babouches jaunes et les miroirs enfermés dans des boîtes de velours rehaussé de perles, et les petits coffrets incrustés de nacre. Ailleurs, ce sont les mouchoirs brodés, les étoffes brillantes de Broussa, de Damas et d'Alep; dans une galerie étroite, sont assis derrière leur comptoir les riches orfévres, qui exposent aux yeux des acheteurs de petites boîtes de verre remplies de pierres précieuses; enfin viennent les écrivains et les libraires. Au milieu de tout cela s'élève le plus grand et le plus animé de tous les bazars, le marché aux armes, le bésestain. C'est là que se font les ventes aux enchères; sur les murs sont disposés pittoresquement les sabres de Damas et du Korassan, le khandjar et le yatagan, la lance du Kurde ou du Bédouin, le lourd tromblon de cuivre, et les pistolets éclatants de pierreries, le fusil arabe à la crosse incrustée de nacre, et le fusil garni d'argent des Albanais. — Le tout entremêlé de marchandises, d'étoffes et d'habits de toute sorte.

Ce bazar est un magnifique édifice surmonté d'un dôme. Dans l'intérieur, les échoppes disposées symétriquement forment de petites rues où circulent les acheteurs. Là, le Persan spirituel et artiste, avec son long bonnet de fourrure d’Astrakhan, le libre Circassien, avec sa boîte de cartouches sur la poitrine, les Grecs rayas misérables et mal vêtus; le Bulgare avec sa calotte aplatie entourée d'une couronne de fourrures; le juif vêtu du sombre bénich aux larges manches et coiffé d'un bonnet noir serré par un mouchoir bleu ; l'Arménien portant sur sa tête l'énorme calpak semblable à un potiron, les Russes d'Odessa, les Serbes du Danube, les Arabes à la figure bronzée, passent et repassent devant le Turc grave et hautain qui est accroupi sur une estrade devant son échoppe, et qui fume silencieusement son chibouk.

Dans la foule circulent ceux qui vendent aux enchères et qui parcourent les groupes en disant à haute voix le prix de l'objet à vendre.

Le marchand turc a des mœurs particulières; le repos est sa passion dominante. Il vit dans la crainte incessante de voir apparaître devant lui la figure de quelque acheteur. — Que de fois je me suis occupé à considérer quelques-uns de ces graves fumeurs, nonshalamment couchés, et aspirant avec une lente volupté les parfums du narghilé. Leurs mains distraites drainaient lentement un chapelet en bois d'aloès; leurs yeux levés au ciel exprimaient le calme le plus parfait ; en ce moment, le monde entier avait disparu pour eux. Tout à coup un Franc inquiet et remuant qui depuis un instant considère l'étalage de la boutique, pose la main sur l'épaule de l'un d'entre eux. Le malheureux, ramené brusquement des hauteurs de sa rêverie au niveau de la réalité, fixe sur l'acheteur des yeux étonnés et suppliants. Mais le chaland est impitoyable.

[…]

A côté de ces braves gens se démènent sans pudeur les Arméniens et les Juifs qui poursuivent le passant de leurs interpellations. L'étranger qui entame un marché voit infailliblement arriver un Juif obligeant et rusé qui se mêle à la conversation. Ces gens-là s'imposent comme interprètes, et lorsque le marchand turc demande cent piastres, le courtier officieux en demande deux cents dans sa traduction. Si l'on découvre la fraude et qu'on remercie le Juif de sa politesse par un rude coup de bâton, le misérable s'esquive sans mot dire, et personne ne prend sa défense.

Avant de quitter les bazars, on traverse le marché aux esclaves. C'est une grande cour carrée, entourée d'une galerie couverte sous laquelle sont disposés les siéges et les tapis pour la commodité des acheteurs. Dans l'intérieur de la galerie s'ouvrent une multitude de petites chambres avec des fenêtres à treillis. Ces réduits sont occupés par les femmes que les revendeurs ont acquises. Celles qui arrivent ou qui n'ont pas encore été vendues sont accroupies dans la poussière, à demi vêtues d'un lambeau de laine blanche, et étalent au soleil leur corps luisant. Le marchand arabe, les jambes croisées et le chibouk à la main, montre au chaland une jeune négresse debout devant lui, calme et résignée. Dans les galeries, des Turcs aux yeux brillants discutent et regardent. Derrière les treillis des fenêtres, se dressent quelques ombres blanches.

C'est là le dernier bazar, le dernier degré de l'échelle commerciale dans cette grande ville où tout s'achète, où tout se vend. Et cependant, ce peuple brutal en apparence, qui vient là marchander une femme et une famille, a des instincts singuliers de douceur et de bonté! Tous les oiseaux qui habitent la ville, les tourterelles, les pigeons, les goëlands, les cigognes, sont sous la sauvegarde de la piété publique. J'ai vu au milieu des places, sur des branches de platanes qui pliaient jusqu'à quelques pieds du sol, de jolies colombes posées sur leur nid dans une entière sécurité. Lorsqu'une barque chargée de blé traverse la Corne-d'Or, du haut des mosquées, du haut des arbres s'abattent des volées de pigeons qui viennent librement prendre dans la cargaison la part des oiseaux du ciel.

Mais la bénignité des Turcs s'étend aussi à la race immonde des chiens errants. Ces animaux, hideux et farouches, couchés au soleil au milieu de la rue, étalent leurs blessures dégoûtantes, et quand vient la nuit, ils règnent en maitres à Constantinople. Dans cette ville coupée par la mer, traversée par des vallons et des collines, percée de rues étroites et escarpées pour la plupart, les voitures seraient un moyen de transport incommode et dangereux. Aussi n'en rencontre-t-on presque jamais. Celles que l'on voit ressemblent à des carrosses du temps de Louis XIII. Elles sont faites d'une cage de bois ovale, fermée par des grillages, et présentent au fond une surface plane qu'on couvre de tapis et de coussins.

[…]

Les promenades les plus fréquentées sont les cimetières. Le petit champ des morts situé sur le versant du coteau de Péra qui regarde le port, est un bois de cyprès coupé par de jolis sentiers. Il domine la partie haute de la Corne-d'Or et le bassin de l'arsenal. Sa position au milieu de la ville en fait un lieu de délassement et de rendez-vous.

Mais c'est au grand Champ-des-Morts que se porte la foule dans les soirées du printemps et de l'automne. Il s'étend à l'autre extrémité de la rue qui traverse Péra. Les Arméniennes, dont les beaux yeux brillent sous un voile mal fermé, les dames franques, les Grecques coquettes et provoquantes, les Pérotes vêtues d’un costume mixte, se dispersent en groupes animés dans les cimetières chrétiens, sous l'ombre des muriers et des sycomores. Plus loin, dans un lieu solitaire, s'élèvent les hauts cyprès des cimetières turcs qui ont protégé de leurs ombres mystérieuses plus d'un amoureux entretien. Sur les pelouses voisines passent au galop les jeunes dandies de Péra, qui font manœuvrer leurs chevaux sous le regard des femmes.

De ce plateau élevé, deux vallées s'ouvrent en sens contraire : l'une s'abaisse vers le Bosphore, embrassant dans son enceinte plusieurs plateaux inférieurs couronnés de pins parasols, et laisse voir les jolis villages de la côte asiatique. L'autre, qui montre par une échappée la ville de Constantinople, cache dans ses arbres le petit village de Saint-Dimitri, renommé pour ses amours faciles.

[…]

Kağıthane (s 91 vd):

Si, au lieu de sortir de la Corne-d'Or par son embouchure, on remonte dans l'intérieur du port à travers les rues maritimes d'une ville de vaisseaux; si on passe au-dessous d'un pont flottant qui clôt l'arsenal de la marine impériale, on voit les rives de la Corne-d'Or se rapprocher peu à peu, et on arrive ainsi, en suivant le col rétréci du golfe, à une petite rivière calme et limpide qui coule au milieu de belles prairies. C'est le vallon des Eaux-Douces d'Europe.

Des troupeaux de bœufs et de chevaux sont épars dans ces pâturages, et les grands oiseaux de marais sortent de temps en temps leurs longs cous d'une touffe de roseaux pour voir passer les caïks.

Ces solitudes paisibles se peuplent, aux jours de fête, d'une foule de joyeux promeneurs. Les femmes surtout ont une prédilection marquée pour ce vallon charmant; les femmes! qui, en Orient, se mêlent au paysage et le poétisent, mais qui n'animent jamais la vie sociale! - On voit alors arriver dans leurs caïks les riches Arméniennes, portant sur leurs épaules le féredjé violet qui tombe avec ampleur derrière elles, comme un manteau royal, pendant que les arabats attelés de buffles s'arrêtent au milieu des prés et déposent à l'ombre des arbres les femmes turques qui jouent avec une joie enfantine au milieu des herbes et des fleurs.

D'autres voitures chargées arrivent lentement par les sentiers en faisant crier leurs essieux. Quand elles ont déposé leur précieux fardeau, elles s’abritent sous les branches de quelque platane gigantesque, et les bœufs libres du joug paissent l'herbe de la prairie.

Ces arabats sont des chars à quatre roues, formés d'une caisse-oblongue peinte de couleurs éclatantes et ornée de moulures d'or. Au-dessus s'arrondissent en berceau des arcs de bois flexible qui supportent une tente de toile ou de soie. Le joug des buffles ou des bœufs est peint de couleurs variées, incrusté d'arabesques, et garni de petits miroirs. Il est surmonté d'un arc de bois mouvant qui s'arrondit en demi-cercle supportant des pompons de soie, de petites clochettes et quelquefois des guirlandes de fleurs. Dans cette longue voiture, sur des coussins disposés parallèlement, sont assises huit ou dix femmes.

Dans un asile bien ombragé, un joueur de cornemuse invite à la danse les Grecs et les Arméniens; d'un autre côté, un café attire les fumeurs de narghilés; et des Turcs rêveurs, accroupis au pied des arbres, contemplent avec des yeux distraits cette scène naïve qu'on dirait empruntée à un vallon de l'Arcadie antique.

 

 

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